L'ERREUR D'ALEXIS ALEXEIEV - A. POLEISCHUK
LE CANTIQUE DE L'APOCALYPSE JOYEUSE - ARTO PAASILINNA
- les « road books » qui mettent en scène les tribulations chaotiques d’un ou plusieurs personnages à travers la Finlande et l’Europe : « Le lièvre de Vatanen », « La cavale du géomètre », « Petits suicides entre amis »…
- les « robinsonnades » décrivant l’existence d’une communauté en marge de la société : « Prisonniers du paradis », « La forêt des renards pendus », « le potager des malfaiteurs ayant échappés à la pendaison »...
Dans les deux cas il s’agit pour l’auteur de mettre en scène des personnages au caractère entier, anticonformistes, individualistes et refusant le carcan que leur impose la société. Le présent roman ne fait pas exception à la règle. Nous y trouvons des personnages truculents, bien décidés à conserver leur mode de vie et leur joie de vivre malgré les soucis que leur cause l’état finlandais, les institutions européennes et les évènements dramatiques de cette fin de XXème siècle. L’auteur y décline tous les thèmes qui lui sont chers : un certain retour à la nature, mère nourricière et source de toute vie, le bon sens paysan opposé à l’absurdité des règles administratives et bien sûr la liberté. Liberté d’entreprendre, liberté d’aimer, de croire, de boire…
A première vue, tout cela n’a que peu de choses à voir avec la Science-Fiction. Et pourtant je n’hésite pas à classer ce roman dans le courant post-apocalyptique. Pourquoi ? Parce que la plupart des sujets inhérents à ce courant de la SF y sont présents, que ce soit dans les causes de la catastrophe (crise économique globale, incident nucléaire, 3ème guerre mondiale) que dans ses conséquences (effondrements des gouvernements, repli communautaire, lutte pour la survie…).
Bien sûr, l’apocalypse selon Paasilinna est une apocalypse joyeuse (c’est écrit dans le titre), pleine de finlandais rougeauds et hilares, adeptes de sauna et de bonne chère, et l’amateur de SF classique n’y trouvera sans doute pas son compte. Peut-être reprochera-t-il aussi à ce roman son manque d’intensité dramatique ou bien l’absence d’une réelle intrigue. Mais tout cela n’est pas bien grave tant l’humour et la bonne humeur de Paasilinna sont communicatifs. Une lecture à conseiller donc, pour chasser la morosité et découvrir que post apo ne rime pas forcément avec désolation, désespoir et violence.
Denoël - Et d'ailleurs - 2008
GARBAGE RAMPAGE - JULIAN C. HELLBROOKE
"Garbage Rampage " est un hommage non dissimulé à la célèbre trilogie des rats de James Herbert. Comme son illustre prédécesseur, Julian C. Hellbrooke met en scène des rats plus gros et plus intelligents que la moyenne qui s'attaquent aux humains. On se rend toutefois très vite compte que plus de quarante ans séparent les deux romans. Si celui du britannique peut encore faire frémir, celui de Julian justifie largement sa présence dans la collection trash. Il faut dire que ses rats sont particulièrement coriaces puisqu'à moitié humains et qu'ils ne se contentent pas de bouffer leurs presque congénères. Ils kidnappent également des jeunes femmes afin de les engrosser et créer ainsi une race de mutants.
Tout cela donne lieu à des scènes finalement plus écoeurantes que véritablement effrayantes et le fait que l'essentiel du récit se déroule dans les endroits les plus dégueus de la Grosse Pomme (égouts, caves, souterrains...) ajoute encore à cette ambiance sale et visqueuse.
Côté intrigue, l'auteur n'a pas fait de gros efforts pour expliquer le pourquoi et le comment de ces rats transgéniques. Il se contente d'évoquer pêle-mêle des recherches militaires interdites et les magouilles de l'industrie agro-alimentaire sans chercher à approfondir son sujet. Même légèreté côté personnages en dépit d'un duo de flics - la bombasse métissée et le macho raciste - plutôt explosif.
Trask 2014
ACHETEZ DIEU ! - CHRISTOPHER STORK
Petit roman sans prétention sur les thèmes des manipulations mentales et du risque sectaire. Le rythme est enlevé, le déroulement de l’intrigue bien maîtrisé et les personnages plaisants bien qu’un peu caricaturaux (je pense en particulier au directeur de journal).
Bien sûr, on a un peu de mal à croire que quelques messages subliminaux et des séances d’hypnose soient suffisants pour infléchir la volonté de dizaines de milliers d’individus, mais la démonstration demeure sympathique.
A lire donc, ne serait-ce que pour se convaincre, s’il en était besoin, que religion et télévision sont bien les opiums du peuple.
Fleuve Noir Anticipation - 1979
UNE VIE DE SAINT - CHRISTOPHE SIEBERT
Mertvecgorod, séquence 7. Aussi pugnace et précis qu’une araignée tissant sa toile, le bonhomme Siébert poursuit ce qui s’apparente de plus en plus à une immense fresque avec ce volume qui, après des romans plus intimistes (Valentina, Vive le feu) renoue avec une manière de faire plus transverse. Sur près de 500 pages réunissant des textes aussi divers qu’une biographie officieuse, un roman, une confession, il retrace l’histoire de Nikolaï le Svatoj, laquelle se confond avec celle de la triste république de Mertvecgorod, la RIM pour les intimes.
Des années soixante-dix jusqu’à nos jours et même un peu plus loin, nous suivons donc l’ascension et la chute d’un personnage ambigu, gourou, apparatchik, « Messie des crevards », terroriste. Nous le suivons dans sa quête de pureté alors qu’il célèbre la « Belle Dame » dans une URSS sur le déclin. Nous le voyons se brûler les ailes aux flammes de la réussite sociale et de l’argent facile. Nous l’accompagnons dans sa quête de rachat au service des exclus et entrevoyons les raisons qui le pousseront à perpétrer l’attentat le plus meurtrier de l’histoire de la petite république. Une vie racontée de bien des façons et par bien des personnages, les différents points de vue et les différents supports éclairant tous les aspects d’une personnalité complexe qui hésite sans cesse entre volupté et mysticisme.
A propos de mysticisme justement, j’ai beaucoup aimé cette façon de nous montrer les dernières années de l’URSS et l’avènement des oligarques et autres mafieux sous un angle ésotérique qui m’a rappelé ce que Viktor Pelevine avait fait pour les années Eltsine avec « Les nombres ». Mais si le russe avait opté pour les arcanes de la numérologie, Christophe a préféré un fantastique à l’ancienne en convoquant à la fois les Grands Anciens de Lovecraft et le Golem de la tradition yiddish. L’exercice est intéressant. Il apporte au récit une dimension encore plus sombre et inquiétante tout en constituant une fort jolie allégorie sur la part d’ombre qui entoure richesse et pouvoir. Car oui, l’argent corrompt tout et tous. Pas seulement les plus avides ou les plus pourris, les politiques prêts à tout pour rester aux commandes ou les malfrats qui cherchent à étendre leur empire. Il gangrène aussi les purs, les idéalistes, les révolutionnaires, les croyants de toute obédience, tous, même ceux qui ont connu la dèche et la crasse, même les plus démunis, même les saints.
S’il nous montre jusqu’à la nausée les frasques les plus immondes des gagnants du système, Christophe Siebert n’oublie pas les perdants. Une foule de personnages secondaires traversent son récit et viennent témoigner de leurs conditions de vie atrocement dégradées. Il nous fait ainsi mesurer à quel point est insupportable ce gouffre qui sépare cette majorité misérable et silencieuse de la caste des privilégiés. Car si l’extrême richesse n’avait d’autre réalité que son obscène démesure et son gâchis insensé de ressources et de biens, l’on pourrait peut-être encore s’en accommoder. Hélas, elle a pour exact corollaire une pauvreté tout aussi extrême. Combien de dizaines, de centaines de milliers de miséreux jetés sur le pavé pour financer un yacht, un jet privé, une partouze à Dubaï ? Combien de travailleurs pauvres, de chômeurs, de SDF pour un Bernard Arnault ou un Bolloré un Zoubarev ou un Doubinski ? L’incommensurable richesse de quelques-uns n’existe que grâce à la pauvreté du plus grand nombre et Christophe nous le rappelle brutalement.
J’ai lu ici ou là que l’on comparait Mertvecgorod aux Rougon-Macquart. La comparaison est sans doute un peu osée. Quoique. Si Zola explorait la vie sociale de la France sous le second empire, Christophe se livre à peu de choses près au même exercice avec sa république post soviétique à laquelle notre monde ressemble chaque jour davantage. Et finalement, c’est bien de nous-même qu’il nous parle, de notre présent pas forcément très rose et de notre futur assurément bien gris. Il place juste le curseur un cran plus haut, avec davantage de violence, de corruption, de misère que ce que l’on connait déjà. Mertvecgorod, c’est le miroir légèrement déformé de nos démocraties occidentales.
Au Diavble Vauvert - 2025
LES FORCEURS DE BLOCUS - JULES VERNE
PETIT-LOUIS - EUGENE DABIT
Nous suivons donc le jeune Louis âgé de 15 ans au début du roman, dans sa découverte des choses de la vie : travail, amitié, amour... Une initiation forcément biaisée par les évènements. Ses débuts dans le monde du travail se feront ainsi dans une entreprise vidée de tous les hommes en âge de se battre, ses premiers vrais amis seront ses compagnons de régiment et il découvrira les choses de l’amour dans un bordel de campagne. Il n'en aura pas moins l'occasion de se faire une idée assez juste du monde et de la société. Il s'éveillera à l’art et à la spiritualité, éprouvera ses premiers émois sentimentaux dans les bras d'une jolie prostituée et prendra conscience que, jusque dans les tranchées, les classes sociales et les différences de traitement qu'elles induisent continuent d'exister. La guerre bouleverse beaucoup de choses mais les inégalités demeurent.
Si la question sociale semble importante pour Eugene Dabit, il ne se livre en revanche à aucune véritable attaque contre la guerre et ses conséquences. On sent bien dans son propos qu’il n’est pas de ceux qui exalte les vertus guerrières, mais on ne trouvera dans son roman aucune critique directe des politiques ou des militaires. Il nous fait juste entrevoir les horreurs de la guerre et les vies brisées, rien de plus : « Je lave doucement son visage, sa poitrine, ses bras qui sont d’affreux moignons. J’enveloppe son corps dans ma toile de tente et je me détourne pour ne plus voir cette chose raide, inhumaine, qui fut sensible, qui fut belle ».
Même s'il n'est pas présenté comme tel, "Petit-Louis" est un roman autobiographique ou du moins fortement inspiré de l’expérience de l'auteur. Cela explique peut-être son côté journal intime, avec ses menus faits et ses impressions jetés sur le papier, sans trop s'occuper de style. Cela donne un témoignage de première main sur la vie pendant la guerre, à Paris, en province, à l’arrière et pas seulement sur la ligne de front.
Gallimard - L'imaginaire - 1988
LA PLANETE AUX VENTS DE FOLIE - MARION ZIMMER BRADLEY
J'avais jusqu'à présent soigneusement évité les livres de cet auteur que j'associai uniquement à son cycle de fantasy arthurienne, genre où il est bien difficile de faire du neuf. C'est donc par le plus grand des hasards que je suis tombé sur ce bouquin dont la quatrième de couverture annonçait une histoire de " naufragés de l'espace ". Etant friand de ce type de récit, je me suis dépêché de l'acheter puis de le lire. Je n'ai pas été déçu.
Albin Michel - Super Fiction - 1977
LE MONDE AVEUGLE - DANIEL GALOUYE
Cela faisait longtemps que je n'avais lu un roman de SF aussi complet, avec des personnages au caractère fouillé, un univers cohérent et une intrigue simple et bien menée. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai suivi les aventures de Jared à la recherche de la lumière. Ses doutes sur le bien-fondé de sa quête, ses premiers émois amoureux, son sens du devoir et son dévouement envers sa communauté en font un héros particulièrement attachant. Les autres personnages ne sont pas en reste et la jeune Della qui souffre de sa différence, les rivaux malintentionnés, les religieux dogmatiques et les chefs pragmatiques apportent au récit une jolie palette d'individualités.
L'univers souterrain où tout ce petit monde évolue bénéficie lui aussi d'une description minutieuse et les nombreux détails qui parsèment le récit (politique, agriculture, mythologie) contribuent à le rendre encore plus convaincant. Quant à l'intrigue, mélange de roman d'apprentissage, de quête et de post-apo, elle est suffisamment dense pour nous tenir en haleine jusqu'à une chute qui se devine certes dès le début du livre mais qui est malgré tout fort bien amenée.
Denoël - Présence du Futur - 1981
LES MEMOIRES DE ZEUS - MAURICE DRUON
Et pourtant le pari était loin d’être gagné, car Maurice Druon s’est attaché à nous raconter les hauts faits des dieux grecs en respectant la chronologie de leur histoire alors que les grands anciens, Platon, Aristote et consorts, n’en faisaient aucun cas. Mieux, il a réussi à conférer à ces vieux mythes un aspect moderne en parvenant à trouver des points de convergence avec notre époque et en glissant, ici et là, des exemples et des commentaires souvent très intéressants et toujours amusants.
Bref, un fantastique bouquin qui nous permet de nous y retrouver dans cette pléthore de dieux, déesses, naïades, parques et autres divinités, de connaître leurs fonctions au sein de l’olympe et de découvrir leurs histoires de cœur et leurs rivalités. Une lecture à conseiller donc, et qui vous rappellera vos cours d’histoire ou d’initiation au grec de collège.
Bragelonne - 2007
LES CULBUTEURS DE L'ENFER - ROGER ZELAZNY
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« Majunga » est la seconde BD du couple Doreau/Larcher qui, après l’univers fantasmé des« Trois visages de Tullula-Belle » nous livre cette ...
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James Starr est dubitatif. Il vient de recevoir coup sur coup deux missives. La première est signée du contremaître de la mine d'Aberfoy...









