Si l’on ne devait utiliser qu’un mot pour décrire cette BD de la paire Bendis/Andreyko, ce serait sans doute l’adjectif « sombre » qui recueillerait tous les suffrages.
Sombre le scénario. Ce qui est tout à fait normal s’agissant d’une histoire de tueur en série. Il faut dire qu’en la matière, Torso occupe plutôt le dessus du panier. Le bonhomme ne se contente pas de tuer ses victimes. Il les découpe, les tronçonne, ne laissant que les torses (d’où son nom), un ou deux membres, parfois une tête. Des puzzles humains qui ne facilitent pas la tâche des policiers pour les identifier ou trouver un début de piste.
Sombre l’atmosphère. Là encore rien que de très logique puisque l’action se déroule en 1935 soit quelques années seulement après la grande dépression de 1929. Comme toute les villes américaines, Cleveland compte des milliers de chômeurs et des tas de sans-abris dont la plupart ont trouvé refuge dans l’immense bidonville qui borde les rives du lac Erié. Une ville dans la ville qui concentre toutes les misères et qui sert aussi de « réservoir » au tueur.
Sombres les personnages. Flics corrompus ou bas du front, politiciens démagogues, journalistes avides de sensationnel, Elliott Ness et ses équipiers ne seront guère aidés pour mener à bien leur enquête. Encore tout auréolé de sa lutte victorieuse contre Al Capone, l’incorruptible est attendu au tournant et beaucoup espèrent le voir se ramasser. Et comme il continue de faire la chasse aux tripots clandestins et s’est lancé en politique, la liste de ses ennemis s’est encore allongée !
Sombre le dessin. Brian Bendis a opté pour le noir et blanc. Surtout le noir. La BD baigne dans un clair-obscur permanent. Le trait est épais et souligne les zones d’ombres qui fourmillent dans la ville et dans les esprits. De nombreuses photos d’époque sont insérées dans les planches et viennent rappeler que cette histoire est tout à fait réelle. Quant à la mise en page, elle est souvent originale et multiplie les prises de risque : pixellisation des images, dessins désaxés, en spirale… Le lecteur doit jouer avec le bouquin, se perdre dans ses méandres, errer de page en page jusqu'à une conclusion pas forcément très gaie.
Aussi bien sur le fond que dans la forme, « Torso » est une BD qui met mal à l’aise, et qui dévoile le pire des hommes et de la société. Une BD dure. Une BD sombre.
Delcourt - 2025