PETIT-LOUIS - EUGENE DABIT

De nos jours, Eugène Dabit est à peu près inconnu. Il est pourtant l’auteur d’un roman dont l’adaptation cinématographique par Marcel Carné est encore dans les mémoires ne serait-ce que pour la prestation d’Arletty et sa gueule d’atmosphère. Ce roman c’est « Hôtel du nord », son premier livre édité. « Petit-Louis » est le second. Si les deux mettent en scène le petit peuple de Paris, ouvriers, concierges mal embouchées, femmes entretenues, employés de tout poil et de tous états, « Petit-Louis » est avant tout un roman d’apprentissage. Mais un roman d'apprentissage un peu particulier puisqu'il se déroule pendant la première guerre mondiale. 

Nous suivons donc le jeune Louis âgé de 15 ans au début du roman, dans sa découverte des choses de la vie : travail, amitié, amour... Une initiation forcément biaisée par les évènements. Ses débuts dans le monde du travail se feront ainsi dans une entreprise vidée de tous les hommes en âge de se battre, ses premiers vrais amis seront ses compagnons de régiment et il découvrira les choses de l’amour dans un bordel de campagne. Il n'en aura pas moins l'occasion de se faire une idée assez juste du monde et de la société. Il s'éveillera à l’art et à la spiritualité, éprouvera ses premiers émois sentimentaux dans les bras d'une jolie prostituée et prendra conscience que, jusque dans les tranchées, les classes sociales et les différences de traitement qu'elles induisent continuent d'exister. La guerre bouleverse beaucoup de choses mais les inégalités demeurent. 

Si la question sociale semble importante pour Eugene Dabit, il ne se livre en revanche à aucune véritable attaque contre la guerre et ses conséquences. On sent bien dans son propos qu’il n’est pas de ceux qui exalte les vertus guerrières, mais on ne trouvera dans son roman aucune critique directe des politiques ou des militaires. Il nous fait juste entrevoir les horreurs de la guerre et les vies brisées, rien de plus : « Je lave doucement son visage, sa poitrine, ses bras qui sont d’affreux moignons. J’enveloppe son corps dans ma toile de tente et je me détourne pour ne plus voir cette chose raide, inhumaine, qui fut sensible, qui fut belle ».

Même s'il n'est pas présenté comme tel, "Petit-Louis" est un roman autobiographique ou du moins fortement inspiré de l’expérience de l'auteur. Cela explique peut-être son côté journal intime, avec ses menus faits et ses impressions jetés sur le papier, sans trop s'occuper de style. Cela donne un témoignage de première main sur la vie pendant la guerre, à Paris, en province, à l’arrière et pas seulement sur la ligne de front.

Gallimard - L'imaginaire - 1988

1 commentaire:

  1. C’est toujours intéressant de voir comment la vie en temps de guerre peut être abordée de manière si différente par les auteurs

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