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ENCORE UN PEU DE VERDURE - WARD MOORE

Un fertilisant surpuissant qui agit sur la molécule des graminées a été mis au point par une chimiste originale. Répandu sur la pelouse d’un pavillon de la banlieue de Los Angeles par un représentant de commerce aussi chanceux que maladroit, il provoque la pousse accélérée d’une certaine variété d’herbe qui voit sa hauteur atteindre plusieurs mètres. Mais, plus que sa taille, c’est sa propension à croître sur n’importe quel sol qui alerte les autorités et, malgré tous les moyens employés, « l’herbe du diable » a tôt fait de recouvrir la Californie, les Etats-Unis et bientôt le reste du monde.

 Voici un exemple de roman catastrophe conté sur le mode comique. Certes nous y retrouvons la plupart des ingrédients propres à ce type de littérature : la description de la catastrophe proprement dire, la lutte des autorités contre le phénomène, ses conséquences sur la société et les changements géopolitiques qui s’ensuivent ou encore le parcours de quelques personnages modifié par cet état de fait.


Mais, plus qu’un livre d’anticipation, il s’agit surtout pour l’auteur de se livrer à une critique du capitalisme sauvage. En effet, parallèlement à l’expansion de cette herbe particulièrement envahissante, nous suivons le parcours de Albert Weener, le représentant de commerce à l’origine du mal, dont la réussite dans le monde des affaires est proportionnelle à la pousse de la graminée. Profitant de la situation, ce dernier acquiert à vil prix des sociétés qui périclitent, investit dans la production d’aliments de substitution, profite de marchés avec les autorités militaires et se réjouit de trouver dans les millions de réfugiés chassé de leurs pays une main-d’œuvre bon marché. Le tout, avec une bonne conscience et une satisfaction de soi à toute épreuve !


Ward Moore se permet également de placer son pays dans les pires des situations. Les Etats-Unis se voient ainsi envahit un temps par l’Union Soviétique (rappelons que ce livre fut écrit en 1947, c’est à dire en pleine guerre froide) et sont la première nation à disparaître sous la couche de verdure. Les américains devront donc quitter leur pays pour émigrer vers la vieille Europe où ils seront soumis aux mêmes conditions d’accueil que celles pratiquées à Ellis Island. Enfin, les savants, chimistes et docteurs de tout poil promettant jour après jour un remède qui ne vient jamais, ne sont pas épargnés et leur incapacité à corriger leurs erreurs est vivement critiquée.


Bref, un roman bien plaisant qu’il conviendrait de faire lire aux fabricants d’OGM et aux milliers d’Albert Weener, actionnaires de ces grandes compagnies.


Denoël - Présence du Futur - 1975

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