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CHUTE LIBRE - ALBERT & JEAN CREMIEUX

Cinq terriens sont kidnappés par des extra-terrestres et emmenés sur la planète 54 afin d'y être étudiés.

Je ne suis pas certain que l'objectif premier des frères Crémieux ait été de nous proposer une histoire de pure science-fiction. Pour ma part, j'y ai plutôt vu un moyen de critiquer notre société bien « terrienne » au travers de certains de ses représentants les plus caricaturaux : le militaire, l'industriel, le poète... 


Certes, ces derniers évoluent sur une planète lointaine où ils découvrent des objets et des institutions surprenants ainsi qu'une façon de penser radicalement différente de la leur. Mais c'est surtout de leurs propres mentalités dont il est question et l'on découvre, en négatif et par opposition, leurs petits travers et leurs grands défauts. Cela nous donne une intrigue fort mince et guère passionnante mais heureusement compensée par un humour agréable et une écriture solide. 


Un livre qui a beaucoup vieilli mais qui, justement, est sauvé par ce charme légèrement désuet que possède la SF des années 50.


Nouvelles Editions Oswald - Fantastique/SF/Aventures - 1980

VALS SANGLANTE - VIOLAINE DE CHARNAGE

En seulement deux ou trois ans, Violaine de Charnage s’est fait un nom dans le petit monde du gore made in France et l’on trouve désormais ses bouquins dans toutes les bonnes maisons spécialisées dans l’horreur et la boucherie : Faute de frappe, Karnage et, depuis peu, les petits suisses de Gore des Alpes. Et force est de constater qu’elle a parfaitement négocié sa petite virée au pays des banques et du chocolat.

Elle a bien sûr été contrainte d’utiliser des raccourcis dans le développement de son intrigue et dans la présentation de ses personnages pour respecter le format, assez court, de la collection. Nonobstant ce petit bémol, le résultat est parfaitement conforme à ce que l’on est en droit d’attendre de ce type de roman : un peu d’humour (noir de préférence), quelques frissons et pas mal d’hémoglobine.

Son récit mélange astucieusement horreur classique et moderne en juxtaposant mythe du vampire et trafic d’organes, chirurgie esthétique et savant fou. Il nous propose aussi trois portraits de femmes peu recommandables et bien décidées à combler leurs désirs quel que soit le prix à payer. Nous suivons ainsi Véréna au temps de la peste noire, Béatriz, l’actrice qui refuse de vieillir et surtout Katrin, l’hématologue de génie qui, de sa Suisse natale aux confins de la Chine, poursuit sa quête de vérité scientifique et de plaisir malsain.

Tout cela nous est conté d’un ton léger qui contraste fortement avec toutes les horreurs que Violaine met en scène. Il y a en effet quelque chose de primesautier dans sa plume qui donne à son texte des allures de conte de fée sadique. Du coup, et en dépit des crimes monstrueux dont l’héroïne se rend coupable, on reste attaché à la petite fille qui sommeille en elle avec ses rêves de vampires et ses jeux interdits.

Gore des Alpes - 2024

DARWINIA - ROBERT CHARLES WILSON

En 1912, un événement aussi extraordinaire qu'inexplicable frappe l'Europe. En l'espace d'une nuit, toute trace de civilisation y est effacée et, si les contours du continent demeurent inchangés, habitants et bâtiments ont disparus, remplacés par une faune et une flore nouvelle. Quelques années plus tard, Guilford Law, un jeune photographe américain, laisse femme et enfant dans une nouvelle Londres en cours de construction pour participer à une expédition au cœur du « nouveau » continent. Seul rescapé de cette aventure, il découvrira une partie des mystères de la Darwinie ainsi que le rôle qu’il est appelé à jouer dans un conflit qui dépasse l'entendement. Parallèlement, un médium corrompu tombe sous la coupe de puissances que l’on devine malfaisantes.

Ce qui frappe en premier à la lecture de "Darwinia" c'est un côté "XIXème siècle" très marqué. Les débuts de l'ère industrielle, une terre inexplorée, une expédition réunissant savants et aventuriers, tous ces éléments concourent à créer une ambiance "vernienne" assez crédible et c'est avec beaucoup de plaisir que l'on suit le périple de ces découvreurs. Mais, si la description de la flore et de la faune est riche et imaginative, si l'ambiance générale est fort bien rendue, l’intrigue met en revanche beaucoup trop de temps à se mettre en place. On finit par se lasser du voyage du jeune Guilford et l'on souhaite qu'il se passe quelque chose de neuf, que l'auteur nous mette sur la piste. 


Or, il faudra attendre le dernier tiers de ce gros pavé pour qu'enfin les révélations tombent. Un complot à l’échelle de l’univers se fait alors jour ainsi que la lutte entre deux factions hostiles. Tout s'accélère, le temps comme les évènements. Les différents fils de l'histoire et les personnages convergent vers un même but et nous comprenons enfin où l'auteur voulait nous emmener.


La fin du roman m’a néanmoins laissé un goût d’inachevé : de tels développements pour un final qui se résume à une improbable bataille entre ersatz d’archanges et insectes humanoïdes. Tout ça pour çà serait-on tenté de dire ! Voilà qui est bien décevant. Reste que la langue est belle et que l’on se retrouve un temps plongé dans le souvenir de nos lectures d'enfance. Finalement, "Darwinia" aura surtout eu le mérite de me donner envie d'ouvrir un vieux Jules Verne. Chouette !


Denoël - Lunes d'Encre - 2000

TERRE BRULEE - JOHN CHRISTOPHER

Après avoir ravagé les cultures de riz du continent asiatique et provoqué une famine sans précédent, le virus Chung-Li s’attaque désormais à l'Europe. Pour sauver ce qui peut encore l'être et éviter au pays de sombrer dans le chaos, le gouvernement britannique décide de limiter le nombre de bouches à nourrir en bombardant les grandes agglomérations. Prévenu par l'un de ses amis, John Custance décide de quitter Londres avec sa famille pour rallier la ferme de son frère dans le nord du pays. Mais la route sera longue et semée d'embûches...

Je classe sans hésitation cet excellent roman parmi les meilleurs post-apo que je connaisse, au côté de "Malevil", "Le jour des fous" et "La révolte des Triffides". Ici, l’auteur a pris le parti de s’intéresser aux premiers jours qui suivent l’apocalypse, lorsque tout est encore possible, le meilleur comme le pire. Bien sûr, c’est souvent le pire qui survient et l’option du repli communautaire est presque toujours retenue. Une démarche d'ailleurs parfaitement compréhensible dans une société qui se délite, où les institutions ne jouent plus leur rôle et où l'on ne peut plus guère compter que sur soit, sa famille et ses amis. Progressivement, l'état de droit est remplacé par la loi du plus fort et seuls les plus déterminés conservent une chance de salut. La force de John Christopher est justement de nous peindre avec beaucoup de crédibilité le changement de mentalité d'individus contraints de s'endurcir pour survivre. Ainsi, si les premiers meurtres des personnages ont lieu dans le feu de l'action et pour se protéger, les suivants seront commis froidement, d'abord par vengeance puis simplement pour se procurer ce dont ils ont besoin, pour voler.

Un autre aspect intéressant du roman concerne la façon dont se met en place un embryon de système féodal. Le retour à ce système politique est fréquent dans les romans du genre. L'absence d'état, d'armée ou de police donne des ailes aux mégalomanes de tout poil et seigneurs et vassaux réapparaissent rapidement. Mais c'est dans ce roman que les mécanismes qui conduisent à la féodalité sont le mieux décrits. En effet, si John Custance devient le chef de la petite troupe qui l'accompagne ce n'est pas seulement en tant que "pater familias" ou en raison d'aptitudes particulières. C'est avant tout parce que lui seul est à même de les faire pénétrer sur les terres de son frère, protégées et exemptes de virus. C'est lui qui "possède" la terre et qui a, de facto, le pouvoir de les en faire profiter. C'est ensuite parce que ceux qui l'accompagnent le reconnaisse comme tel. Pirrie notamment qui, meilleure gâchette du petit groupe, lui apporte son soutien en échange d'une parcelle de son "pouvoir", une certaine immunité qui lui permet d'exécuter son épouse volage puis d'accaparer une jeune femme. Une forme d'aristocratie est née. Mais la scène du livre qui exprime le mieux cet état de fait est sans conteste celle du ralliement d'un autre groupe, chaque individu rendant hommage à Custance en s'inclinant devant lui.

Toutes ces transformations, ces changements de personnalité, cette violence qui devient ordinaire, sont d'autant plus frappants que l'environnement immédiat ne paraît pas avoir changé. Une fois posé le principe de l'imminence de la catastrophe (les bombardements) et la nécessité de rejoindre le nord du pays, aucun élément "hors du commun" n'apparaît plus. Cela donne à l'histoire un aspect "véridique", une proximité avec notre quotidien assez dérangeants mais, ô combien, intéressants.

Le Livre de Poche - SF - 1977

CHUTE LIBRE - ALBERT & JEAN CREMIEUX

Cinq terriens sont kidnappés par des extra-terrestres et emmenés sur la planète 54 afin d'y être étudiés. Je ne suis pas certain que l...